Peter Paul Rubens, Adoration des bergers    

« Dans une étable obscure, sous le ciel étoilé... » Ce cadre nocturne faisait de la scène de la Nativité un sujet idéal pour employer le clair-obscur. Ou, plus exactement, pour s’exercer à cette technique. Rubens a peut-être peint cette esquisse comme modèle pour un grand tableau, à moins qu’elle n’ait servi de matériel didactique dans ses cours. 

Trois sources lumineuses percent subtilement l’obscurité : l’une est située derrière l’étable, une deuxième émane des putti (des petits enfants nus et dodus munis d’ailes) et la troisième de l’Enfant Jésus lui-même. Normal : ne dit-on pas que Jésus « apporte la lumière au monde » ? Les parties les plus expressives du corps, comme le visage et les mains, sont particulièrement éclairées. 

Ce n’est qu’une des nombreuses scènes de la Nativité que Rubens a peintes. Le thème de l’enfant Jésus dans la crèche offrait les conditions parfaites pour expérimenter le chiaroscuro ou clair-obscur. Cette technique de contraste des lumières et des ombres, remise en honneur à la Renaissance, sera surtout utilisée à l’époque baroque pour créer des effets théâtraux et susciter l’émotion. Le peintre anversois Jacques Jordaens, contemporain de Rubens, a également peint plusieurs Adorations.   

Les esquisses peintes étaient souvent préparatoires à un tableau de grand format. Rubens testait dans ces « modelli » la composition qu’il avait en tête. Il soumettait l’esquisse au commanditaire pour approbation avant d’entamer l’exécution de l’œuvre elle-même. Dans cette approche « orientée client » aussi, Rubens était un pionnier.  

On ne sait pas pour quelle œuvre Rubens a réalisé cette Adoration des bergers ;cela reste un mystère. Peut-être était-ce simplement un objet d’étude, pour enseigner le clair-obscur aux élèves de son atelier. Rubens a rassemblé une grande quantité d’esquisses à l’huile pour leur formation et pour la sienne propre. Il s’essayera encore à de nombreuses autres scènes nocturnes par la suite.   

Rubens peignait aussi des esquisses à l’huile comme projets pour des tapisseries, pour des arcs de triomphe célébrant une « Joyeuse Entrée » ou même pour la réalisation de retables peints et sculptés. Avec ses représentations pleines de vie, il espérait coiffer au poteau les sculpteurs et décrocher de grosses commandes pour la décoration d’autels. Une esquisse qui se trouve dans notre collection était probablement un premier projet pour le maître-autel de l’église St-Charles-Borromée d’Anvers, construite par et pour les Jésuites entre 1617 et 1620.